Le Tableau Numérique Interactif : collaboratif ?

Des « corps opposants » à la collaboration.

Dans la profusion de projets de classes en réseau (bon, j’exagère un peu d’accord, mais imaginons !), de classes numériques, avec un PC ou une tablette par élève, il me semble important de ne pas oublier ce que peut apporter un TBI (Tableau blanc numérique Interactif) notamment au niveau de l’apprentissage de la collaboration et du vivre avec l’autre. Car au moment où la présence policière, les caméras de vidéosurveillance fleurissent dans les esprits pour essayer de résoudre la question de la sécurité dans les établissements, mieux vaudrait peut-être se questionner et se pencher sur tous les leviers dont nous disposons pour aider à apprendre à vivre ensemble dans un monde où de plus en plus, la contrainte c’est l’autre, et donc où réduire la contrainte revient, de façon simpliste, à réduire l’autre.

Et si le TBI avait sa place dans notre arsenal d’outils pour apprendre à vivre ensemble ?

Illustration : Il s’agit d’une séance de remédiation pédagogique (c’est mon métier, donc forcément…) sur la question du lire-écrire, avec un groupe de quatre élèves de CP en difficulté. Nous avons déjà fait ensemble un petit bout de chemin dans la découverte et l’étude d’une lettre très intéressante de notre alphabet, la lettre N. Elle est particulièrement intéressante parce que son comportement est complexe et riche, et qu’elle permet de bien approcher la question des interactions entre les lettres, les règles et les lois, qui régissent la langue, mais c’est un autre sujet (un autre billet ?). Pour cette séance, il s’agit de classer dans un tableau à plusieurs colonnes, un certain nombre de mots qui sont apparus dans nos recherches sur cette lettre (albums, textes de classe, twitts…).

Bref, une séance somme toute assez ordinaire jusque-là. Ce qui va la rendre beaucoup moins ordinaire tient dans l’exploitation du TBI pour effectuer ce travail !

Les élèves ont donc devant eux, sur leur table, le tableau papier avec autant de colonnes que de sons produits grâce à la lettre N, et les étiquettes des mots de notre collection à y coller. Seulement, voilà, ces élèves étant en difficulté, ils doutent encore sur la prononciation de la majorité des mots de la collection.

Et voilà le TBI qui entre en action. Comme il est assez facile d’associer un fichier son (le mot lu) à une étiquette, chaque mot de notre collection pourra être écouté en cliquant dessus, chouette. Les mots de la collection sont invisibles au départ, car tous superposés dans un coin du tableau où chacun viendra piocher un mot, dans un premier temps chacun son tour, puis dans un deuxième temps (et c’est là que la question de la collaboration et du vivre avec l’autre prend toute sa place !) de façon libre.

Si l’intérêt du son associé pour vérifier, confirmer ou simplement dévoiler la lecture de la graphie qui nous intéresse pour notre travail sur la lettre N est évidente, l’élève pouvant ainsi sans crainte se risquer à des hypothèses de lecture qu’il vérifie par lui-même au tableau en cliquant sur le mot (il doit ensuite coller son étiquette mot papier dans la bonne colonne de son tableau papier sur sa table), ce qui devient encore beaucoup plus intéressant, c’ est la façon dont le groupe va gérer le fait que le TBI « ne réponde qu’à un seul doigt » alors qu’il y a maintenant huit mains présentes, et encore bien plus de désir de pouvoir cliquer sur le mot choisit, ou déjà pioché par un camarade, pour vérifier son hypothèse de lecture de ce mot !

Eh bien ?

Il fallut alors réellement, et le groupe n’avais pas le choix, le TBI imposant sa contrainte, construire des stratégies de collaboration, pour que le travail puisse avancer, que chacun y trouve son compte, et que l’objectif soit atteint pour chacun.

Ce moment fut très riche, pour eux comme pour moi, et le retour que nous avons fait sur ce qui s’était déroulé, la façon dont ils avaient su organiser leurs actions au fur et à mesure, profiter de celles des autres en attendant de pouvoir agir (ayant saisi et anticipant que l’autre allait devoir retourner à sa table à un moment), partager leur travail, entre le TBI et leurs tables, construire du respect là ou chacun voulait d’abord s’imposer, s’aider finalement de façon très efficace, fut très valorisant pour eux, leur révélant des capacités et des compétences qu’ils ne se soupçonnaient même pas avoir.

Ce qui fut très intéressant dans cette séance, et qui n’aurait pas pu avoir lieu de la même manière chaque élève étant devant sa tablette ou son PC, c’est ce rapport au corps de l’autre comme contrainte : le TBI n’accepte qu’un seul contact, et je veux que ce soit le mien alors que nous sommes plusieurs : comment gérer cela. Or c’est bien de ce rapport d’opposition entre les corps, me semble-t-il, qu’il est le plus question quand on parle d’insécurité dans les établissements ?

Finalement, pour eux, ce fut l’apprentissage qui eut gain de cause : mon corps et le corps de l’autre ne se faisaient plus obstacles, mais coopéraient finalement dans un but commun, la réussite de chacun.

Alors oui, je pense qu’une certaine façon d’exploiter un TBI peut aussi participer à une meilleure socialisation des élèves, et à travailler avec eux la gestion des contraintes, des frustrations, des « corps opposants », tout en avançant dans l’apprentissage de la lecture, car au final, ce fut également un succès pour le classement des mots selon les sons produits par la lettre N, et des premières observations et remarques sur les lettres voisines très intéressantes émergèrent lors de la séance suivante !

 

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