L’intelligence bâillonnée.

Pour mieux comprendre la notion d’intelligence bâillonnée (trouble de la libération des réponses dans le champ verbal) dont je parle de temps en temps,  je vous propose de découvrir une situation vécue qui illustre très bien la chose.

Il s’agit pour des élèves d’ULIS collège (12-13 ans) de résoudre une énigme pour participer à un concours organisé par les CDI du secteur. Nous sommes début janvier et voici l’énigme à résoudre :

Capture d’écran 2015-07-04 à 20.14.21

 

Dans un premier temps, on peut observer qu’il y a plusieurs points de cristallisation qui vont contrarier le bon déroulement de la réflexion sur cette proposition.

Le premier nom qui apparait dans la linéarité de cette phrase est un point de cristallisation: FEUILLES. Les choses se déroulent comme si la suite de la lecture ne consistait qu’en une recherche de catalyseurs s’articulant uniquement sur ce premier élément (p@reil ARBRE pour la majorité des élèves).

Janvier et décembre (p@reils HIVER, saison où les arbres ont perdu leurs feuilles) viennent ensuite renforcer la cristallisation autour de FEUILLES de l’ARBRE.

Curieusement le message « toutes mes feuilles en janvier » est occulté par la cristallisation de départ alors que dans le même temps la transformation de « toutes mes feuilles » à « une seule » est bien présente.

On remarque que cette lecture fonctionne essentiellement avec une recherche linéaire de catalyseurs mais qu’elle comporte bien peu de renégociation au fil de la lecture.

Les points positifs pour ceux qui proposent l’arbre en réponse:

Il faut tout de même noter des points positifs et d’appuis pour les élèves qui proposent ARBRE en réponse à l’énigme.

– Prise en compte d’une modification dans le temps

– prise en compte partielle des p@reils dans la phrase: janvier décembre

– on peut penser, à leur décharge, que la question « qui » et pas « que » suis-je (QUI appelant plutôt un être « p@reil vivant » qu’un objet) puisse venir compliquer les choses.

 

Nous voilà donc arrivé à deux groupes d’élèves: un premier groupe qui n’a aucune proposition et le groupe qui proposent ARBRE.

Je rappelle donc que « réfléchir c’est chercher et trouver des p@reils » et propose aux élèves de relire l’énigme en y cherchant dans un premier temps la présence de p@reils « explicites ». Janvier et décembre sont vite identifiés comme p@reils, mais l’étiquette (p@reils quoi?) n’est pas disponible pour eux.

Cependant une élève dirige alors déjà son regard sur le calendrier affiché au mur (calendrier 12 feuilles de l’année scolaire).

Je demande alors à cette élève ce qu’elle vient juste de regarder, mais elle répond qu’elle ne sait pas.  « Mais je sais pas, le mur ? Le tableau ? »

Il faut alors plusieurs retours entre les deux p@reils trouvés dans la phrase et l’espace du mur sur lequel s’est porté le regard de l’élève pour trouver le p@reil concerné sur ce mur (il n’y a qu’un tableau blanc, le calendrier, et un affichage A4 sur le nombre).

Tout un travail de prise de conscience pour découvrir / accepter / conscientiser, que c’est le calendrier qui était l’objet de son attention, a été nécessaire, alors que la réponse avait été exprimée par le cerveau très rapidement, dans ce que j’appelle une « intuition réfléchie ».

« Mais oui! Janvier et décembre c’est des mois! C’est le calendrier. » Mais avant que cette phrase soit dite, les pieds avaient frappé frénétiquement le sol, les mains dessiné des figures dans l’air, et les yeux faisait des retours incessants entre le calendrier affiché, l’énigme projetée au tableau et le visage du professeur.

La réponse n’était pas sur le bout de la langue, mais partout dans le corps !

Malgré cela la cristallisation sur arbre est encore la plus forte pour toute une partie des élèves.

Il faut la verbalisation entendue de la bouche d’un tiers, l’explication du calendrier qui a douze feuille/douze mois, et le mime des feuilles arrachées au calendrier qui tombent ( p@reil arbre qui perd ses feuilles ) pour que la bonne réponse soit révélée et acceptée par 7 élèves sur 8, un dernier restant cristallisés encore pour un certain temps sur arbre.

La question du mime sur les feuilles du calendrier qui tombent de même que celles de l’arbre est importante car elle permet grâce à ce p@reil de valider en partie l’intelligence de leur première proposition tout en les invitant à la renégociation de cette proposition. Une façon de dire, « c’est intelligent ce que tu as trouvé, mais regarde comme ça maintenant » plutôt que de simplement invalider leur proposition avec le risque de les cristalliser dans un « voilà, je me suis encore trompé » ou encore « non, j’ai raison ça marche ».

Capture d’écran 2015-07-04 à 20.18.38 Cet exemple montre combien ces cristallisations ont empêché d’accéder à un niveau de renégociation conceptuel suffisant pour avancer dans la réflexion autour des éléments de l’énigme.

Le processus de « lecture linéaire » avec recherche de catalyseurs plutôt que de p@reils en renégociation au fur et à mesure de la lecture, est un facteur empêchant la compréhension d’un texte même très court, car il s’appuie presque uniquement sur les éléments explicites et linéaires du texte à un niveau très superficiel, pré-orienté très souvent sur une première cristallisation erronée.

On voit combien un travail sur les p@reils qui permet l’ouverture des Zones de Renégociations Conceptuelles, et donc plus de processus de renégociation dans le rapport aux objets, y compris aux objets de la langues, peut avoir des incidences très positives sur la lecture et la compréhension des textes en même temps qu’il aide à la révélation des intelligences bâillonnées.

 

Voir aussi l’article Rencontre Agence du Numérique: la commande oculaire, perspectives.

 

 

 

 

 

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Le #TwiTTjeu de l’ #ArbreàPareils: La ZRC en pratique.

 

Et bien le voilà ! Oui, voilà le premier #Arbreàpareils qui s’est doucement construit sur ma TL (Time Line) sur Twitter avec la collaboration de quelques joueurs qui ont osé se lancer dans ce nouveau jeu collaboratif, qui accompagne désormais celui de la #photodevinette.

 

L’idée de ce jeu collaboratif prend une fois encore sa source dans ma recherche sur la construction de la pensée, de l’intelligence, et sur la question de l’apprendre à apprendre. Il s’inscrit donc tout naturellement dans le modèle théorique que j’ai construit: la théorie de la Zone de Renégociation Conceptuelle (#ZRC).

 

Voilà en quelques twitts du compte Twitter  Les P@reils @Pareils_FR,

avec les images du premier jeu, de quoi mieux comprendre ce jeu de l’ #ArbreàPareils…

 

#ArbreàPareils Les règles:

1. Je vous propose sur #Twitter un objet grâce à une image légendée.

Ici c’est pic.twitter.com/Lqr8XeUkh8

2. Vous cherchez un p@reil que vous devez pouvoir illustrer par une image claire et détourée.

3. Vous twittez votre p@reil dans un twitt balisé #ArbreàPareils avec l’image détourée et la caractéristique p@reille choisie.

Par exemple… pic.twitter.com/ehW1HtynV5

4. Au bout du 10ème p@reil proposé le jeu passe à la deuxième étape. Je commence la construction de la structure de l’arbre. pic.twitter.com/6uEYhs9N6H

5. Il ne s’agit plus alors de trouver des p@reils au premier proposé, mais à ceux que vous avez mis ! ;-)

6. Vous twittez alors: l’objet de référence, l’image détourée du p@reil, et la caractéristique p@reille choisie. Par exemple… pic.twitter.com/YZbiTUROdW

…en précisant bien où l’accrocher dans l’arbre.

7. De mon côté l’arbre grandi… pic.twitter.com/ickjqvyFsN

8. Après un certain nombre de propositions de p@reils on passe à la dernière étape: #renégocier #connexions ;-)

9. On ne cherche plus tant à faire de nouvelles propositions d’objet, Mais plus de nouvelles connexions #pareils

10. L’arbre verdi alors petit à petit ;-) pic.twitter.com/rY0sfu04vc

11. Votre Twitt (toujours bien balisé!) contient le p@reil trouvé et les deux objets concernés dans l’arbre.

12. Par exemple… pic.twitter.com/GejLJ9Apts

13. L’arbre devient de plus en plus vert… ;-) pic.twitter.com/viBsHGPHTI

Le jeu s’arrête quand l’arbre est bien vert ;-))))

14. IMPORTANT: ne pas oublier la balise #ArbreàPareils (attention à l’orthographe) dans votre twitt !

 

Le jeu doit permettre à chaque joueur d’une part de proposer des objets p@reils à ceux présent dans l’arbre (niveau 1), et d’autre part de découvrir, puis connecter les propositions des autres joueurs (niveau 2) pour pouvoir renégocier chacun des concepts présents dans l’arbre ainsi créé avec le logiciel de création de cartes mentales.

Le logiciel MindNode Pro pour MAC et l’application MindNode pour IOS ont été choisis pour la construction des #ArbreàPareils.

Il s’agit d’une activité intellectuelle numérique, collaborative, de création, génératrice de liens  et de renégociations conceptuelles et donc… de plaisir d’apprendre ! ;-)

 

 

Envie d’essayer? Ou juste suivre la progression de l’arbre sur Twitter? Suivez la balise #ArbreàPareils sur Twitter ! Ou alors abonnez-vous directement à mon compte @dawoud68 pour suivre l’évolution de la théorie des p@reils et de la ZRC et les mises en pratique dans le monde de la formation, de l’éducation et du handicap.

Pour le prochain #ArbreàPareils, qui devrait se dérouler durant la dernière semaine d’aout, nous tenterons un thème imposé, avec comme thème l’oeuvre d’un maître des p@reils: @ClaudePonti. Une bonne occasion donc de redécouvrir son oeuvre!

Alors à bientôt j’espère, histoire de mettre vous aussi votre graine aussi pour un prochain #ArbreàPareils, en vivant dans le jeu, la théorie de la ZRC ;-)

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École Numérique: attention de ne pas rater le virage en se trompant de voie !

Eh oui, c’est bien la question que soulèvent certaines évolutions constatées lors de ce salon Educatice 2013, notamment du côté des tablettes numériques.

L’école, voire la société (car ce n’est pas seulement de l’école qu’il s’agit, les enseignants sont aussi soumis à une très forte pression « sociétale » exercée notamment par des médias souvent peu enclins à comprendre ce qui ne vient pas de leur monde) va-t’elle enfin comprendre et se saisir des opportunités que nous apporte le numérique pour changer sa vision de l’éducation et de l’école, et en réformer le système ? Pas certain que beaucoup soient sur cette voie si l’on en juge par certains indices qui ont émergé lors de ce salon.


Il y a seulement quelques années, le numérique à l’école, balbutiant était la passion de quelques enseignants, fait essentiellement de bricolages, détournements, et « bidouilleries ». L’éducation étant un vaste marché s’ouvrant cette fois-ci sur le numérique, nombreux sont ceux qui s’y sont donc précipités, avec plus ou moins de pertinence, d’intelligence et de compétences. En même temps que le numérique tentait de se faire un chemin dans le monde de l’éducation sur le versant pédagogique, les déviances ont commencé.

La première déviance fut celle de « l’administratisation » de plus en plus de tâches, et le semblant de management numérique (chiffres, tableaux, données, camemberts, statistiques, etc.) orchestré par des administratifs, souvent peu formés, mais se donnant ainsi l’illusion d’avoir la main et un pouvoir hiérarchique réaffirmé: nombreux s’y sont engouffrés.

 

Mais passons sur cette déviance, même si elle a certainement très fortement participé à l’augmentation de la défiance et de la suspicion entre les différentes couches du système très pyramidal de notre bonne vieille éducation nationale, ainsi qu’à trop s’éloigner des vraies problématiques autour de la question de l’apprendre, pour nous préoccuper de ce qui se passe au plus près des élèves.

 

Une première évolution qui me dérange profondément et qui me semble engager le monde de l’école sur la mauvaise voie, est l’arrivée de plus en plus de tablettes dites « pour l’école», avec cette confusion, volontairement ou inconsciemment entretenue entre numérique et technologie numérique. En s’engageant sur cette voie, on est en effet, à mon avis, loin du changement de paradigme si cher à Sir Ken Robinson. Car plutôt que de prendre un vrai virage pédagogique avec le numérique, on tente ici uniquement de masquer une « Old School Vision » (« les bonnes vieilles méthodes » vous savez ?) avec un voile de « technologie numérique ». D’un point de vue économique, le pari semble être celui de convenir à beaucoup d’éditeurs et plus de profs qui n’auront du coup pas à se poser trop de questions sur leurs pratiques ancestrales ou à repenser leur modèle pédagogique. Et puis c’est tout de même « plus sérieux que ces tablettes avec lesquelles on joue essentiellement… » Sans commentaire.

 

Il reste évidemment le sacro-saint argument de l’individualisation ! Le fameux outil magique pour faire de la différenciation pédagogique ! « Chaque élève peut faire l’exercice autant de fois qu’il en a besoin et revoir sa leçon, chaque élève accède à… » Certes, mais ça, ce n’est pas de la différenciation pédagogique! Et si mettre un élève dans une boite avec une interface informatique ou robotique était la panacée, cela se saurait depuis longtemps. Le numérique permet surtout de s’ouvrir aux différences, donc au réel, et de permettre beaucoup plus facilement de créer et de se glisser dans des parcours, des dispositifs, des pratiques, d’user d’adaptations pour que chacun puisse trouver sa place et son chemin, au côté des autres, avec les autres, en apprenant des autres, aux autres et avec les autres. « Différencier » des exercices n’est en rien, selon moi, un modèle de différenciation pédagogique. Je préfère par ailleurs de beaucoup le concept de pédagogie ouverte adaptable à celui de différenciation pédagogique, fortement emprunt de l’idée de « maîtrise ». Et il faut donc, dans cet esprit, que l’objet numérique, la tablette, soit un objet social, ouvert, un outil pour apprendre, un outil de partage, un ONAP (Objet Numérique d’Apprentissage et de Partage) comme entendu et défini dans l’expérimentation tablette de la ClisTICE, et non un objet « purement scolaire ».

Une seconde évolution qui me dérange et qui risque de nous envoyer très vite sur une mauvaise voie si on n’y prend pas garde, se trouve dans ces tablettes conçues « pour des profs, par les profs ». Car il n’y a pas mieux pour tomber dans le terrible piège de « l’enfant moyen » et cette même « illusion de la maîtrise », cette soi-disant maîtrise du professeur sur les processus cognitifs et d’apprentissages de ses élèves.

« Le professeur n’est-il pas le plus à même de concevoir la meilleure tablette, la plus adaptée à ses exigences, ses désirs, ses conceptions pédagogiques? »

« Bien sur que si ! » Voilà donc un magnifique argument de vente et de distribution d’un tel outil.

 

Sauf que… sauf que, vous l’aurez peut-être remarqué depuis le début de ce billet, dans ces projets de tablettes scolaires, il est finalement fait très peu cas des possibilités, des potentialités, des besoins, des désirs des élèves, des apprenants comme des familles !

 

Vous en voulez une belle preuve? Les concepteurs de ces tablettes mises au point « par des profs, pour des profs » n’ont même pas pensé à l’accessibilité, aux adaptations, aux handicaps ou aux troubles des apprentissages ! Même un simple zoom n’y est pas possible, car : « Les profs ne nous ont rien demandé de tel… »

Car oui, à force de penser et de tout rapporter à un enfant moyen, idéal, mais virtuel, tout le monde en oublie de s’ouvrir vers les bords, vers les marges, vers « l’extraordinaire » et la singularité de chacun de ces élèves dans la réalité…

À force de ne considérer les élèves qu’à travers le prisme nombriliste du monde de l’école, on finit par s’en éloigner, et par faire tourner la machine en ne se souciant même plus d’eux. Dans cette fumeuse « individualisation des parcours », l’école est, au contraire, très loin de prendre en compte les individus.

 

Et l’on s‘étonne encore que notre système soit un des plus inégalitaires ? Qu’il soit surtout adapté aux enfants d’enseignants et de milieux aisés ?

C’est bien grâce à la prise en compte de ces enfants à besoins spécifiques, nombreux si l’on sait y regarder de plus près, véritables éclaireurs, aiguillons dans le pied de « l’enfant moyen » de nos pensées cristallisées, véritables poissons-pilotes de l’école de demain, et  en nous appuyant sur ce que le numérique nous permet d’ouvrir comme possibles, que nous réussirons à proposer à notre jeunesse une école plus bienveillante, plus bien-traitante, plus attrayante, respectueuse, plus efficace, plus adaptée, enfin accessible, efficiente pour le plus grand nombre et plus égalitaire, en tous cas, déjà plus équitable.

À suivre et à débattre

 

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« La peur, la crainte… Et les poissons-pilotes! »

« Oui, mais les bonnes vieilles méthodes, quand même… » Voilà l’expression que je n’aurai jamais autant entendue que depuis que l’expérimentation tablette a mis en lumière que j’appuyais mon travail dans la CLIS4 sur le modèle théorique de la Zone de Renégociation Conceptuelle (ZRC) et l’approche des concepts par les p@reils, fruits de ma recherche-action sur l’apprendre à apprendre depuis une quinzaine d’années.

Car, tant que cela ne concernait que les élèves en grande difficulté d’apprentissage, cela ne semblait poser de problème à personne ici. D’ailleurs localement, même juste par curiosité, seuls les collègues, membres des disparus RASED, les psychologues scolaires du secteur, des enseignants spécialisés, certains enseignants dont les élèves étaient concernés, ont senti le besoin et l’envie de venir voir ce que faisait ce maître E de particulier avec ses p@reils, qui fonctionnaient et donnaient des résultats positifs et suffisamment intéressants, cela même après les articles dans la presse nationale, les prix nationaux ou reconnaissances quelconques… Ceux qui sont venus voir, pour mieux comprendre, s’en inspirer, essayer de diffuser, sont souvent venus de plus loin.

Suite de l’article sur le site de école2demain.

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P@reils en classe: la révolution des « 4R » ?

« La Zone de Renégociation Conceptuelle… Là oui, vous tenez quelque chose! »

Marcel LEBRUN

octobre 2012, salon de l’éducation, Namur.

Le dernier article du café pédagogique sur Charles Hadji pour qui « seul un travail sur les processus d’apprentissage peut faciliter les acquisitions » et qui « invite les enseignants à réfléchir à l’importance de doter les élèves des outils intellectuels qui favorisent l’apprentissage plutôt qu’à les gaver des connaissances des programmes » m’invite tout particulièrement à vous parler un peu plus des p@reils, de la ZRC, et vous partager un premier petit bilan sur le travail et les expérimentations engagée sur la ClisTICE (présentation du projet ici).

Comme vous pouvez vous en douter si vous suivez un peu le monde des p@reils, mon travail et l’approche pédagogique choisie pour construire les apprentissages sur cette CLIS4 (handicaps moteurs) s’appuie très fortement sur la théorie de la Zone de Renégociation Conceptuelle (ZRC à découvrir ici) et sur l’approche des concepts par les p@reils comme outils métacognitifs et d’aide à la construction des processus intellectuels: l’école pour apprendre à apprendre.

Cette approche implique un certain bouleversement dans la façon de concevoir la vie de classe et le rapport au fameux « programme ». Mais la vie de classe d’une CLIS4 étant déjà  naturellement assez complexe, l’emploi du temps des élèves de tous niveaux se partageant entre CLIS, classe d’inclusion, interventions d’ergothérapeutes, de kinésithérapeutes, et autres professionnels, la mise en place d’un modèle pédagogique particulier s’en trouvait facilité. Mais voyons quelles sont les éléments qui peuvent quelque peu bouleverser parents, élèves et collègues, et qui fondent le fonctionnement de la ClisTICE

La première loi des p@reils : la Rigueur conceptuelle. Apprendre et enseigner avec  les p@reils invite en effet à avoir, pour soi-même autant que pour les élèves, un haut niveau d’exigence et de rigueur  conceptuelle quand aux concepts abordés lors de nos activités. Un travail de recherche sur les « marrons » et les « châtaignes » fut par exemple une excellente occasion de mettre à l’épreuve avec plaisir cette rigueur conceptuelle.

Deuxième loi des p@reils : la Révélation. Les p@reils se révèlent être un outil d’évaluation intransigeant, révélant ainsi les cristallisations que le milieu, ou bien encore que le système scolaire ordinaire lui-même a su imposer aux élèves, les empêchant ainsi d’apprendre à apprendre. L’exemple du signe = compris seulement comme indicateur de « la réponse » est un des exemples de cristallisation scolaire le plus courant que les p@reils permettent de défaire. Ces révélations sont souvent perturbantes, déstabilisantes, mais il faut les accepter pour pouvoir les aider à vraiment apprendre à apprendre.

Troisième loi: le Renversement. Renversement, car avec cette approche et ce positionnement théorique, ce sont les élèves qui sont les meilleurs professeurs pour eux -mêmes et leurs pairs, n’en déplaise a certains. Ils sont en effet les seuls à détenir les clés de leur pensée, de leurs apprentissages, ceux qui le mieux savent ce qui est à tel ou tel moment, dans telle ou telle condition, renégociable pour eux, les seuls à être à même de construire en eux les relations et les liens qui les feront entrer dans la compréhension et le plaisir d’apprendre et de découvrir… Il s’agit par contre pour l’enseignant d’être très à l’écoute, et de trouver comment, avec quelles ressources et quels outils les guider pour qu’ils s’emparent des outils conceptuels, intellectuels et méthodologiques pour qu’entre eux les espaces de renégociation conceptuelle (espaces potentiels de Winnicott?) s’ouvrent et se croisent, créant ainsi les conditions à la création de nouveaux liens, de nouvelle connaissances et d’un regard plus éclairé sur le monde. À l’enseignant de trouver les situations, les outils, les processus pour mettre en lumière ces potentialités dont chacun est porteur.

Quatrième loi : la Renégociation conceptuelle. C’est dans cette renégociation que naissent les espaces potentiels, ZRC, espaces où le plaisir d’apprendre enfin peut grandir pour chacun et ouvrir à de nouvelles découvertes, de nouvelles connexions que les savoirs en constructions viendront naturellement nourrir.

 

Voyons donc quelques effets observés dans la ClisTICE avec ce mode de fonctionnement assis sur l’approche des concepts par les p@reils:

Les élèves les plus jeunes, apprennent mieux et plus vite que leurs camarades plus âgés, avec une compréhension et une maîtrise des concepts traités plus fine et plus rapide.

Une observation d’ailleurs déjà faite lors de l’expérimentation en maternelle, avec des élèves de moyenne section devenant plus ouverts et compétents que des élèves plus âgés de grande section. Ici les élèves de cycle 3 se retrouvent les premiers surpris car ils se rendent compte que leurs camarades de cycle 2 comprennent mieux et plus vite qu’eux, devenant ainsi plus performants qu’eux dans de nombreux domaines.

Ce travail d’autonomisation de la pensée et de l’apprendre, source de plaisir, de reconstruction positive de soi, se diffuse et irradie aussi le corps. Les enfants handicapés sont ici plein de ressources et d’énergie.  Ils sortent de leurs fauteuils, lâchent les béquilles, marchent, bougent, et s’autonomisent aussi dans leur corps. Voilà certainement pourquoi un des élèves de la ClisTICE s’est amusé à dire qu’ici « c’est la cour des miracles! »

Mais cette approche pédagogique s’appuie bien évidemment aussi beaucoup sur les NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication) parce que ce sont, d’une part de précieux outils pour mettre en place des situations de renégociation conceptuelle entre les élèves, et d’autre part une réserve d’outils très ludiques, agréables et efficaces pour apprendre.

Il y a par exemple ces deux élèves de niveau CE1 qui reviennent grands sourires aux lèvres de leur classe d’inclusion en annonçant qu’ils viennent d’y faire du calcul mental et qu’ils se sont révélés êtres les meilleurs. Le plus intéressant est le moment, quelques secondes plus tard, où les élèves s’exclament qu’ils ont « retrouvé » ce qu’ils avaient « fait dans le jeu du poisson sur l’iPad », et « aussi le jeux des billes pour faire dix ». Plus besoin de note pour valider leur maîtrise des tables d’addition et de l’utilisation des compléments à dix! Ils ont auto-validé leurs compétences et leurs connaissances par un processus métacognitif… Pouvait-on espérer mieux?

C’est ce type de situation dans la classe, et la surprise de se « faire dépasser » par les élèves de cycle inférieur, qu’un élève de CM2 de ma ClisTICE a posé dernièrement cette question:

« Mais pourquoi on n’apprend pas comme ça depuis le début à l’école ? »

Concrètement dans la classe, les élèves n’ont pas de cahier du jour, mais des cahiers de recherche en mathématiques, langue française, un accès à internet, un TBi tactile, quatre PC dans la salle dont un écran tactile, un ordinateur portable pour certains, un iPad pour la classe… Et pas une seule note depuis le début de l’année scolaire, mais une adresse mail spécialement créée, destinée aux parents pour pouvoir me contacter. Nous faisons surtout beaucoup de recherches en commun, avec différenciations sur les tâches. Comme dans notre exemple du calcul mental, les enfants découvrent petit à petit dans quels champs de compétences ce qui est abordé en classe permet d’avancer dans la compréhension et la connaissance du monde, et des langues pour le comprendre (français, mathématiques…).

Évidemment un tel fonctionnement doit reposer sur la confiance et la collaboration des parents qui sont forcément un peu bouleversés par cette nouvelle approche pédagogique. Mais les changements qu’ils voient s’opérer sur leurs enfants, tel que leur nouveau regard sur les apprentissages et l’école ainsi que les compétences qu’ils découvrent et construisent dans la joie ne peuvent que les rassurer sur la pertinence d’une telle approche.

L’étape suivante, avec l’arrivée, en fin de première période, des tablettes numériques pour chacun, Objets Numériques d’Apprentissage et de Partage, terminera de rassurer ceux qui seraient encore cristallisés eux-mêmes sur d’anciennes méthodes scolaires.

Je vous en raconterai plus sur iPad, applications, logiciels et outils collaboratifs dans la ClisTICE dans un prochain billet.

 

 

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P@reils et Zone de Renégociation Conceptuelle : apprendre à apprendre, apprendre à réfléchir…

« Il n’y a rien de plus pratique qu’une bonne théorie.« 

Kurt LEWIN

Vous connaissiez le monde des p@reils ? Il vous reste à découvrir la théorie qui s’est construite autour de ces travaux:

la Zone de Renégociation Conceptuelle (ZRC).

Voilà donc une petite publication qui devrait vous initier à la ZRC et à l’intérêt du travail sur les p@reils. N’hésitez pas à venir vous inscrire dans le groupe « p@reils et Zone de Renégociation Conceptuelle: quel impact sur la pratique professionnelle » sur le réseau RESPIRE (http://bit.ly/KxWSou)

ou sur Ecole2demain.org, groupe « p@reils et Zone de Renégociation Conceptuelle » (http://bit.ly/KJ1Xcg) pour partager à ce sujet.

Bonne lecture.

Vous pouvez aussi télécharger le document au format pdf  ici


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Apprendre un texte… au coeur de la pédagogie ?

Je me sens aujourd’hui un peu obligé de réagir à certains propos de Lionel Naccache, que j’admire pour son travail et ses recherches, et que je ne peux donc pas laisser glisser sur ce que je pense être soit une erreur d’interprétation, soit un malentendu, dont les anti-pédagogues risqueraient de se saisir, à tort, et à des fins que je ne souhaite pas.

En effet, lorsque Lionel Naccache, au cours de cette très riche et intéressante intervention en juin 2011 au Collège des Bernardin lors d’un débat sur les sciences du cerveau et de l’apprendre, débute la présentation de cette expérience de Karpicke nous dit « on est là au cœur de la pédagogie (…) vous voulez faire apprendre un texte… », je crains que cela puisse prêter à confusion, et il m’est difficile de ne pas réagir.

Et cela d’autant plus que dans mon dernier billet, Compétences, mon pavé dans la mare, je raconte justement combien l’expérimentation des PPRE, menée à la suite des évaluations nationales de CE2, m’avait semblé éclairante sur les mauvaises voies sur lesquelles « l’évaluationnite aigue » pouvait nous mener s’il l’on ne prenait pas garde aux indicateurs choisis et à la pertinence de leur interprétation.

En effet, et bien avant l’expérience scientifique de Karpicke décrite par L. Naccache, notre modeste expérimentation nous avais démontré à peu de choses près qu’effectivement, ce type d’approche travail / évaluation / travail / évaluation / travail / évaluation (mais dans notre cas sur des items et non spécifiquement sur un texte) était « efficace » dans le sens où la « mémorisation » était bonne, et que les élèves finissaient par avoir de bons résultats aux évaluations sur ces items lors de l’évaluation finale du PPRE.

Mais c’est ensuite que se situent nos divergences d’interprétation, voir le malentendu : Car si, comme je viens de le dire, cela semblait donc être une réussite, puisque les élèves « réussissaient » leurs évaluations sur les items ainsi « travaillés », les effets sur l’ensemble du cursus et les compétences des élèves n’étaient eux, absolument pas significatifs ! La distance analogique restait-elle trop grande ? Trop implicite ?

Il fallait donc prendre un autre chemin pour que « ces meilleures performances » fassent sens, et soient exploitables par les élèves ailleurs que dans une évaluation sur ce texte ou ces items.

« Apprendre un texte » ne me semble donc pas être « au cœur » de la pédagogie, et toutes les précautions dont s’entoure L. Naccache me laissent d’ailleurs à penser qu’il en est le premier convaincu. Peut-être justement que l’expression « Apprendre un texte » serait à expliciter et à réfléchir pour pouvoir se rapprocher du cœur de la pédagogie… La question du comprendre ? C’en est donc surement un des éléments, mais il serait simpliste et dangereux pour les élèves et l’éducation de réduire ainsi à cette activité la problématique de l’APPRENDRE et de donner ainsi l’occasion à certains de s’accrocher à ce type d’affirmation pour appuyer leur vision simpliste et erronée des processus essentiels au cœur de l’apprentissage et de l’acte pédagogique.

Les résultats de cette expérience de Karpicke ne me semblent d’ailleurs à ce titre pas particulièrement surprenants et aussi « contre-intuitifs » que ce que le laisse penser L. Naccache. Mais comme il se plait à le dire, il n’est « pas spécialiste de la pédagogie ». Je me réjouis par contre que de tels scientifiques émérites des neurosciences se penchent ainsi sur l’acte pédagogique, et suis persuadé qu’une collaboration accrue avec les sciences de l’éducation nous réserve de belles découvertes et pistes à venir.

Il s’agit maintenant d’aller plus loin grâce à ces sciences somme toute encore bien jeunes, de profiter de leurs éclairages sur ce qui est en jeu dans cette question de l’apprendre à apprendre, des processus en jeu de façon plus complexe et mieux articulée aux processus de création/acquisition des concepts, de la construction de l’abstraction et de la pensée, des nouvelles « apprenances », et de leur donner toute la place qu’elles méritent dans la formation des enseignants.

L’intégralité de la conférence au Collège des Bernardins: Les sciences du cerveau nous aident-elles à apprendre ?
Les sciences du cerveau nous aident-elles à… par college-des-bernardins

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Compétences ? Mon pavé dans la mare…

Il y a en ce moment beaucoup de débats sur cette approche par compétence, qualifiée d’usine à cases par les uns, de solution idéale pour les autres, de bélier pour venir briser la notation pour certains, et d’outils d’évaluation enfin efficace pour les autres, etc.

Et si tout le monde avait un peu raison ?

Et si la vrai question que posaient enfin ces référentiels et cette approche par compétences n’était pas tout simplement la question de ce qui se joue dans l’acte d’apprendre ?

Et si ce n’était finalement pas cela, le fond du problème : qu’est-ce qu’apprendre ?

Alors oui je suis de ceux qui pensent qu’il s’agit là d’un outil dont il faut absolument s’emparer, mais je suis aussi de ceux qui pensent qu’à le détourner de sa fonction réflexive et formative, il risque de ne devenir qu’une mécanisation de plus de l’éducation, de l’évaluation, avec les mêmes effets pervers que d’autres «systèmes».

 

Un nombre certain de cadres, qui voient la révolution numérique et les TICE de façon comptable et «mécanique», y trouvent d’ailleurs une occasion formidable de «numériser» et de «traiter informatiquement» l’acquisition des compétences et leur évaluation, ce qui, à mon avis, finirait effectivement par ne devenir que des usines à cases auxquelles plus personne, hormis les logiciels d’analyse de données, n’y comprendrait plus grand chose.

Mais revenons un peu en arrière, avec l’expérience des PPAP en classe de CE2, il y a quelques années, qui avait été révélatrice de cette problématique. De quoi s’agissait-il?

Le Programme Personnalisé d’Aide aux Progrès (PPAP) faisait suite à la passation du protocole national des évaluations de CE2 en octobre. Cette évaluation comportaient des «items essentiels» indiqués dans le protocole. Lorsque le pourcentage de réussite d’un élève était en deçà d’un certain seuil (75% de réussite) pour ces items essentiels, le PPAP était mis en place pour cet élève, puis évalué vers le mois de mars.

Quels furent les résultats de cette expérimentation à l’époque?

J’exerçais alors dans un établissement classé ZEP entant qu’enseignant spécialisé RASED, et donc directement impliqué dans le processus du PPAP. Or, si très clairement les résultats sur les items essentiels travaillés (bachotés?) furent très bons en mars, l’évolution de l’ensemble des résultats scolaire de ces élèves ne fut absolument pas significative… La seule chose que nous avions réussit, et cela au prix de nombreux programmes individualisés et d’un lourd investissement dans le processus, était de prouver que les enseignants étaient capable de «formater» des élèves sur des items jugés essentiels. En gros, un enseignant qui travaille fortement certains items (bachote?) peut faire réussir un élève à une évaluation… Mais est-ce le rôle de l’école ?

Je pense que se méprendre sur l’approche par les compétences en éducation, en confondant items, objectifs, compétences, évaluation, et en mécanisant l’acte d’apprendre en vue d’une évaluation construite uniquement sur la base d’un référentiel de compétences risque donc de nous amener aux mêmes travers que les PPAP de l’époque.

L’enjeu est ailleurs, il est idéologique, et pose très fortement la question de l’acte d’apprendre, du métier d’enseignant, de la formation…

L’approche par les compétences est un bon levier qui peut faire évoluer les consciences et les pratiques. Mais elle peut tout aussi bien être détournée pour y cristalliser des idéologies peu soucieuses de se questionner sur l’acte d’apprendre et l’acte pédagogique, en mécanisant et en «industrialisant» l’éducation.

La question n’est donc pas tant pour moi de croire ou ne pas croire en l’approche de l’éducation par les compétences, mais de bien être conscient comment et quelles idéologies s’en emparent.

La dette, la crise, les ajustements budgétaires, ne sont que des prétextes à la suppression de postes, à la destruction des RASED et globalement à l’effacement de la prise en compte de la difficulté scolaire. Les vraies raisons sont, là aussi, idéologiques, et il faut en être bien conscient.

Certains pensent certainement qu’une Education Nationale «instrumentalisée» et «industrialisée», et le socle tout comme les référentiels de compétences peuvent très bien servir à cela, sera plus facile à manager… Comme une entreprise de cosmétiques ?

Mais cette méprise risque de coûter très cher à la Nation… L’Education Nationale ne peut pas se permettre d’être en faillite, ni espérer trouver un «repreneur» pour un euro symbolique…

Alors, mesdames, messieurs, je vous invite, plutôt qu’à débattre sur le bien fondé ou non de  l’approche par les compétences, à réfléchir aux idéologies qui souhaitent s’en emparer, et à oeuvrer en coeur pour que la question fondamentale de l’acte d’apprendre, articulée à ce que les sciences cognitives, sociales et de l’éducation peuvent aujourd’hui nous apporter, soit au centre du projet éducatif de l’école de demain.

 

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Innovation pédagogique ? Le quotidien d’un hors-la-loi…

Innovation… Innovation, c’est bien de ce mot que provient la lettre I de ce fameux acronyme ECLAIR, non ? Justement, les écoles avec lesquelles je travaille depuis trois ans sur Colmar, et celle où je travaille principalement depuis la dernière rentrée font parties d’un réseau ECLAIR…

Et pourtant… Dangereux enseignant innovant, c’est en hors-la-loi que j’exerce !

Grâce à un partenariat établit entre l’association Projetice (http://projetice.fr/) dont je suis membre et Smart Interactive, j’ai été doté par Smart, depuis trois ans, d’un TNi tactile (tableau numérique interactif), que, vu l’itinérance de mon travail de maître spécialisé, j’avais choisi «portable». C’est en partie avec ce TNi que sont nés les Petits Dictionnaires des P@reils, projet déjà plusieurs fois mis à l’honneur. C’est aussi ce TNI qui m’a permis de faire entrer les TICES dans les classes pour présenter, mettre en valeur, le travail des élèves avec lesquels j’interviens. Ces interventions ont par ailleurs participé à pousser certains collègues à être candidats pour une dotation municipale de TNi à la dernière rentrée.

Mais ne dites cela à personne, car je sais maintenant que c’est hors-la-loi que j’ai exercé!

Et oui, car un TNi mobile, voyez-vous, cela signifie forcément un vidéo-projecteur posé quelque part pour projeter l’image de l’ordinateur… Et celui-ci doit être alimenté en électricité ! Ouille… Un câble électrique qui «traîne» au sol: pas aux normes!

Mais bon, de toute façon, j’étais déjà grillé, puisque l’ordinateur que je branchais sur le TNi est mon ordinateur portable personnel. Et oui, comme les ordinateurs portables sont des «gadgets inutiles» pour certains responsables politiques locaux, il fallait bien frauder, et venir avec son propre matériel…

Ayant donc innové et travaillé hors-la-loi durant ces années, pour aider au mieux les élèves en grande difficulté et les équipes, pour essayer de diffuser l’innovation pédagogique et le fruit de mes recherches, je fus relativement ravi de disposer à la rentrée 2011, suite à une redistribution des postes spécialisés, d’une salle de classe dans laquelle j’allais pouvoir poser un peu mon matériel itinérant.

Et comme la salle disposait de deux prises Ethernet sur le mur du fond pour connecter les ordinateurs au réseau, il ne restait qu’à installer !

Quelques vis, et hop, le support mural pour le TNi était fixé par un concierge bienveillant. Et puisque l’installation pouvait maintenant être semi-fixe (il faut tout de même que je puisse encore déplacer le TNi de temps en temps dans les classes) il me suffisait de trouver comment installer le vidéo-projecteur et l’unité centrale fixe de la classe (plus besoin d’utiliser mon portable!) de façon sécurisée. Voilà la solution choisie, qui nous permet de ne pas être gêné par les câbles.

Et puisque je disposais de deux autres unités centrales, il me suffisais de les installer dans le fond de la classe, comme cela est le cas dans les classes du cycle III de l’autre bâtiment de mon établissement (une école primaire de plus de dix classes). Enthousiasmé par ma démarche, et plein de bienveillance, le service informatique de la commune a même installé un Hub Ethernet, pour pouvoir y brancher d’autres PC (portables, de visiteurs, de stagiaires…)

Je pouvais donc sereinement me lancer dans de nouveaux projets: Ecriture collaborative (des élèves en difficulté commencent même à écrire depuis leur domicile sur nos pages d’écriture collaborative), Webr@dio, twittclasse, Blog PfisTIC…

Oui mais voilà… L’enseignant innovant est un hors-la-loi !

Et oui, il y avait bien deux prises Ethernet au mur (même plus avec le Hub), mais pour y connecter… 1 ordinateur ! Et oui, car il n’y a qu’une seule prise électrique, et «sinon il faut faire des travaux électriques, et rajouter une armoire électrique…tadada tadada…»

Et voilà que les PC du fond de la classe sur lesquels les élèves écrivent, enregistrent leurs textes pour la webr@dio, apprennent à rechercher sur internet, devaient commencer à produire de nouveaux Petits Dictionnaires des P@reils, font à nouveau de moi un hors-la-loi…

Alors… Se rabattre sur le TNi au moins? Mais non! Vous comprenez, «tous ces câbles, ce n’est pas aux normes, on ne peut pas laisser ça !» «Demandez donc à vous faire installer un autre TBi où tout est au mur, et ce sera réglé.» Ah, il suffirait donc de demander ?

Et alors, une solution ? «Laissez tous ça et allez faire ça dans la salle informatique de l’école.» Seulement voilà, l’innovation pédagogique, ce n’est pas que des TICE, je travaille avec beaucoup d’autres objets, du papier aussi (si si !) et il n’y a pas de TNi dans la salle informatique…

Voilà donc comment je suis condamné à rester un hors-la-loi, parce que je crois en mon travail, et que les élèves avec lesquels je travaille y croient aussi. Il me faudra donc de nouveau travailler avec mon matériel portable personnel, et pour ne laisser aucune trace de câble, brancher sournoisement des ordinateurs portables récupérés et réparés par mes soins (merci aux complices qui souhaitent encore nous y aider, dont je ne dévoilerai pas le nom pour les protéger), pour que les élèves, qui me demandent déjà s’ils pourront continuer à travailler comme cela l’année prochaine, puissent tout simplement vivre au quotidien ce fameux I de ECLAIR.

ECLAIR… Il y a la vitrine, et le quotidien…

 

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Un exemple des effets de cristallisation conceptuelle sur la compréhension.

Cet article va essayer de vous présenter un exemple intéressant de cristallisation conceptuelle (un des éléments théorique de la Zone de Renégociation Conceptuelle),  observé chez des enfants de 9 et 12 ans, F. et H., suite à la projection du film « Super8″.

C’est suite à ce film que je leur ai posé cette « question de compréhension »: Qu’est-il arrivé à la mère du jeune héros du film, Joe, et en quoi cela avait-il un rapport avec le père de la jeune fille, Alice, dont il était amoureux.

Il se trouve que, pour chacun des deux enfants, il était évident que la mère était décédée dans un accident de voiture.

Nous allons voir que, toute la pensée s’était arcboutée sur le concept « accident », cristallisé autour des concepts « route », « voiture » et « mort ».

Les indices dans le film, sont assez clairement exposés, même s’il le sont de façon assez parcellaire, sous forme de puzzle. Voyons-les ensemble…

On trouve les premiers indices, dès le début du film, avec un plan long sur le panneau des jours sans accident dans l’entreprise, qui est « mis à jour », étincelles de métal sur la gauche de l’écran, milieu industriel… Il est vrai que les inscriptions sont en anglais, et que cela crée une difficulté supplémentaire pour des non-anglophones.

A environ deux minutes du début du film, on trouve une scène de discussion entre les enfants: « y’avait quoi dans le cercueil à votre avis? », où sont évoqués les  mots « écrabouillée », « poutre de une tonne », etc.

Au bout d’une heure et huit minutes de film, Alice donne plus d’informations : « il était saoul ce matin là… » et explique que, le jour de l’accident, son père n’a pas pu être à son travail, et que c’est la mère de Joe qui a pris sa place à son poste, et qu’il aurait préféré être à son poste quand cela est arrivé.

Une vingtaine de minutes plus tard, scène dans la voiture entre les deux pères: « c’était un accident », réplique qui a un effet très fort de cristallisation sur « ACCIDENT DE LA ROUTE ». D’autant plus que la scène se déroule dans une voiture, qui roule, ce qui a pour effet un renforcement très fort, par conformation, de l’idée que c’est un « accident de la route » qui est la cause de la mort de la mère.

On observe donc que tous les éléments dispersés pour nous expliquer ce qui s’est déroulé, à savoir, que la mère de Joe travaillait dans la même aciérie que le père d’Alice, que celui-ci était saoul et n’a pas pu être à son poste ce jour-là, que c’est donc la mère de Joe qui a pris ce poste, et qu’une poutre en acier d’au moins une tonne a écrasé celle-ci alors qu’elle travaillait à ce poste, sont en quelques sorte balayés par un effet de cristallisation du concept accident autour de « voiture », « route ».  L’idée d’un accident « du travail », « autre » que « de la route », n’arrive pas à émerger dans un concept « accident » trop cristallisé, avec une Zone de Renégociation Conceptuelle (ZRC) trop petite, voir inexistante.

Un autre élément qui a conforté l’idée d’un accident de la route (cristallisation) selon H. :
A une heure et trois minutes du film, le père d’Alice  la poursuit et fait un accident avec sa voiture alors qu’il est alcoolisé (« comme si c’était déjà arrivé »).

On pourrait donc modéliser ainsi l’état de ces concepts pour ces deux enfants ainsi :

On voit ici que le concept « accident » est fortement cristallisé et que les concepts « travail » (industrie, usine, aciérie, fonderie, bureau…) ou « domestique » n’y sont pas liés. C’est le travail de construction d’une Zone de Renégociation Conceptuelle qui va permettre de mettre en lien ces concepts et d’améliorer les capacités de compréhension et d’apprentissage.

Et enfin, suite au travail sur les éléments constitutifs des concepts et les p@reils, l’état de lien entre les concepts « accident » et « travail »:

Il va sans dire qu’il ne s’agit ici que d’une modélisation simplifiée, qui ne se veut nullement exhaustive quand aux constituants de l’état de chaque concept, son seul but étant de vous introduire à la théorie de la ZRC et des p@reils avec une situation ordinaire de compréhension d’un média en exposant comment les p@reils et la ZRC interviennent dans cette fameuse « compréhension »…

Ne pensez-vous pas que de telles choses se produisent très souvent dans vos classes? Autour de vous ?

En espérant avoir titillé vos neurones…

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