P@reils en classe: la révolution des « 4R » ?

« La Zone de Renégociation Conceptuelle… Là oui, vous tenez quelque chose! »

Marcel LEBRUN

octobre 2012, salon de l’éducation, Namur.

Le dernier article du café pédagogique sur Charles Hadji pour qui « seul un travail sur les processus d’apprentissage peut faciliter les acquisitions » et qui « invite les enseignants à réfléchir à l’importance de doter les élèves des outils intellectuels qui favorisent l’apprentissage plutôt qu’à les gaver des connaissances des programmes » m’invite tout particulièrement à vous parler un peu plus des p@reils, de la ZRC, et vous partager un premier petit bilan sur le travail et les expérimentations engagée sur la ClisTICE (présentation du projet ici).

Comme vous pouvez vous en douter si vous suivez un peu le monde des p@reils, mon travail et l’approche pédagogique choisie pour construire les apprentissages sur cette CLIS4 (handicaps moteurs) s’appuie très fortement sur la théorie de la Zone de Renégociation Conceptuelle (ZRC à découvrir ici) et sur l’approche des concepts par les p@reils comme outils métacognitifs et d’aide à la construction des processus intellectuels: l’école pour apprendre à apprendre.

Cette approche implique un certain bouleversement dans la façon de concevoir la vie de classe et le rapport au fameux « programme ». Mais la vie de classe d’une CLIS4 étant déjà  naturellement assez complexe, l’emploi du temps des élèves de tous niveaux se partageant entre CLIS, classe d’inclusion, interventions d’ergothérapeutes, de kinésithérapeutes, et autres professionnels, la mise en place d’un modèle pédagogique particulier s’en trouvait facilité. Mais voyons quelles sont les éléments qui peuvent quelque peu bouleverser parents, élèves et collègues, et qui fondent le fonctionnement de la ClisTICE

La première loi des p@reils : la Rigueur conceptuelle. Apprendre et enseigner avec  les p@reils invite en effet à avoir, pour soi-même autant que pour les élèves, un haut niveau d’exigence et de rigueur  conceptuelle quand aux concepts abordés lors de nos activités. Un travail de recherche sur les « marrons » et les « châtaignes » fut par exemple une excellente occasion de mettre à l’épreuve avec plaisir cette rigueur conceptuelle.

Deuxième loi des p@reils : la Révélation. Les p@reils se révèlent être un outil d’évaluation intransigeant, révélant ainsi les cristallisations que le milieu, ou bien encore que le système scolaire ordinaire lui-même a su imposer aux élèves, les empêchant ainsi d’apprendre à apprendre. L’exemple du signe = compris seulement comme indicateur de « la réponse » est un des exemples de cristallisation scolaire le plus courant que les p@reils permettent de défaire. Ces révélations sont souvent perturbantes, déstabilisantes, mais il faut les accepter pour pouvoir les aider à vraiment apprendre à apprendre.

Troisième loi: le Renversement. Renversement, car avec cette approche et ce positionnement théorique, ce sont les élèves qui sont les meilleurs professeurs pour eux -mêmes et leurs pairs, n’en déplaise a certains. Ils sont en effet les seuls à détenir les clés de leur pensée, de leurs apprentissages, ceux qui le mieux savent ce qui est à tel ou tel moment, dans telle ou telle condition, renégociable pour eux, les seuls à être à même de construire en eux les relations et les liens qui les feront entrer dans la compréhension et le plaisir d’apprendre et de découvrir… Il s’agit par contre pour l’enseignant d’être très à l’écoute, et de trouver comment, avec quelles ressources et quels outils les guider pour qu’ils s’emparent des outils conceptuels, intellectuels et méthodologiques pour qu’entre eux les espaces de renégociation conceptuelle (espaces potentiels de Winnicott?) s’ouvrent et se croisent, créant ainsi les conditions à la création de nouveaux liens, de nouvelle connaissances et d’un regard plus éclairé sur le monde. À l’enseignant de trouver les situations, les outils, les processus pour mettre en lumière ces potentialités dont chacun est porteur.

Quatrième loi : la Renégociation conceptuelle. C’est dans cette renégociation que naissent les espaces potentiels, ZRC, espaces où le plaisir d’apprendre enfin peut grandir pour chacun et ouvrir à de nouvelles découvertes, de nouvelles connexions que les savoirs en constructions viendront naturellement nourrir.

 

Voyons donc quelques effets observés dans la ClisTICE avec ce mode de fonctionnement assis sur l’approche des concepts par les p@reils:

Les élèves les plus jeunes, apprennent mieux et plus vite que leurs camarades plus âgés, avec une compréhension et une maîtrise des concepts traités plus fine et plus rapide.

Une observation d’ailleurs déjà faite lors de l’expérimentation en maternelle, avec des élèves de moyenne section devenant plus ouverts et compétents que des élèves plus âgés de grande section. Ici les élèves de cycle 3 se retrouvent les premiers surpris car ils se rendent compte que leurs camarades de cycle 2 comprennent mieux et plus vite qu’eux, devenant ainsi plus performants qu’eux dans de nombreux domaines.

Ce travail d’autonomisation de la pensée et de l’apprendre, source de plaisir, de reconstruction positive de soi, se diffuse et irradie aussi le corps. Les enfants handicapés sont ici plein de ressources et d’énergie.  Ils sortent de leurs fauteuils, lâchent les béquilles, marchent, bougent, et s’autonomisent aussi dans leur corps. Voilà certainement pourquoi un des élèves de la ClisTICE s’est amusé à dire qu’ici « c’est la cour des miracles! »

Mais cette approche pédagogique s’appuie bien évidemment aussi beaucoup sur les NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication) parce que ce sont, d’une part de précieux outils pour mettre en place des situations de renégociation conceptuelle entre les élèves, et d’autre part une réserve d’outils très ludiques, agréables et efficaces pour apprendre.

Il y a par exemple ces deux élèves de niveau CE1 qui reviennent grands sourires aux lèvres de leur classe d’inclusion en annonçant qu’ils viennent d’y faire du calcul mental et qu’ils se sont révélés êtres les meilleurs. Le plus intéressant est le moment, quelques secondes plus tard, où les élèves s’exclament qu’ils ont « retrouvé » ce qu’ils avaient « fait dans le jeu du poisson sur l’iPad », et « aussi le jeux des billes pour faire dix ». Plus besoin de note pour valider leur maîtrise des tables d’addition et de l’utilisation des compléments à dix! Ils ont auto-validé leurs compétences et leurs connaissances par un processus métacognitif… Pouvait-on espérer mieux?

C’est ce type de situation dans la classe, et la surprise de se « faire dépasser » par les élèves de cycle inférieur, qu’un élève de CM2 de ma ClisTICE a posé dernièrement cette question:

« Mais pourquoi on n’apprend pas comme ça depuis le début à l’école ? »

Concrètement dans la classe, les élèves n’ont pas de cahier du jour, mais des cahiers de recherche en mathématiques, langue française, un accès à internet, un TBi tactile, quatre PC dans la salle dont un écran tactile, un ordinateur portable pour certains, un iPad pour la classe… Et pas une seule note depuis le début de l’année scolaire, mais une adresse mail spécialement créée, destinée aux parents pour pouvoir me contacter. Nous faisons surtout beaucoup de recherches en commun, avec différenciations sur les tâches. Comme dans notre exemple du calcul mental, les enfants découvrent petit à petit dans quels champs de compétences ce qui est abordé en classe permet d’avancer dans la compréhension et la connaissance du monde, et des langues pour le comprendre (français, mathématiques…).

Évidemment un tel fonctionnement doit reposer sur la confiance et la collaboration des parents qui sont forcément un peu bouleversés par cette nouvelle approche pédagogique. Mais les changements qu’ils voient s’opérer sur leurs enfants, tel que leur nouveau regard sur les apprentissages et l’école ainsi que les compétences qu’ils découvrent et construisent dans la joie ne peuvent que les rassurer sur la pertinence d’une telle approche.

L’étape suivante, avec l’arrivée, en fin de première période, des tablettes numériques pour chacun, Objets Numériques d’Apprentissage et de Partage, terminera de rassurer ceux qui seraient encore cristallisés eux-mêmes sur d’anciennes méthodes scolaires.

Je vous en raconterai plus sur iPad, applications, logiciels et outils collaboratifs dans la ClisTICE dans un prochain billet.

 

 

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>